C’est son avis « Le don alimentaire est un bandage sur une jambe de bois »
Martin Caraher, professeur sociologue britannique (1) est co-rédacteur d’un rapport qui réévalue les problèmes de gaspillage, de pauvreté alimentaire et le recours aux dons. Selon lui, il faut reconstruire l’aide sociale alimentaire.
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Discussions parlementaires
« La France et l’Italie ont approuvé une législation exigeant des supermarchés qu’ils donnent leurs surplus alimentaires aux associations caritatives. Au Royaume-Uni, des discussions parlementaires à ce sujet sont en cours. Dans ce contexte, nous alertons les gouvernements à la fois de l’inapplicabilité de ces mesures, mais aussi du fait qu’elles sont inopérantes pour résoudre l’objectif principal de lutte contre la pauvreté. Pire, elles ont tendance à détourner l’attention des causes profondes de la pauvreté et de la faim.
Une pratique à évaluer
« À court terme, il est vrai que la redistribution des rebuts aux fournisseurs d’aide alimentaire d’urgence peut offrir un soulagement aux plus démunis. Cependant à long terme, la redistribution vers ces relais d’urgence n’est pas une solution au gaspillage et à l’insécurité alimentaire. Le don de nourriture est un processus qui a en réalité des conséquences négatives sur le plan social et sur la santé des groupes de personnes qu’il est censé aider. Lorsque l’on tient compte des données disponibles, nous pouvons affirmer que les points négatifs l’emportent largement sur les points positifs.
Offre imprévisible
« Le don stigmatise et ne répond pas aux droits des nécessiteux à un régime alimentaire approprié et sain. L’offre de nourriture des supermarchés est imprévisible. Les bénéficiaires sont choisis en fonction des intérêts individuels des œuvres de charité. Voulons-nous instituer durablement un système où certains citoyens peuvent choisir leur nourriture alors que pour d’autres, ce choix est fait à leur place ?
Signal brouillé
« La distribution des surplus alimentaires ne répondra pas plus aux problèmes environnementaux. Elle ne donne notamment pas la motivation nécessaire pour réduire les diminuer le gaspillage à long terme. Ces distributions brouillent les signaux qui montrent les dysfonctionnements de notre système alimentaire. Par ailleurs, ce ne sont pas à des initiatives privées, individuelles ou associatives d’assumer ces missions de sécurité alimentaire et de santé qui sont clairement des missions de service public.
Ne pas dépolitiser la faim
« Le don comme moyen de lutte contre la faim est inacceptable aussi car cela dépolitise le sujet de la faim. Il n’incite pas les gouvernements à combler le fossé entre le coût de l’alimentation et les revenus des plus pauvres. Avec mon collaborateur, nous recommandons que l’aide sociale alimentaire soit reprise en main par les gouvernements. Ils doivent avoir le courage et la détermination nécessaires pour s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et de la faim. L’utilisation de l’excédent alimentaire n’est pas une réponse morale, efficace ni légitime. Nous demandons aussi que le sujet du gaspillage alimentaire soit pris en compte de façon séparée, éventuellement par des politiques de dissuasion fiscales.
Alexis Dufumier(1) Professeur à City University of London, École des arts et des sciences sociales.
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